p. « Méduse bouffonne »

Bruno Montpied

Méduse bouffonne (série Méduse dans le carré)

technique mixte sur papier 300g

30×30 cm, 2023

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    Description

    Comment cela a-t-il commencé ? L’origine se perd dans la nuit des temps désormais… Sans doute, pourtant, n’est-ce pas si difficile à retrouver. Dès l’école maternelle, avec ses exercices plastiques et graphiques, à visée éducative toujours, on se rappelle ses compositions non pas à base de nouilles, mais plutôt de gommettes. Un bonhomme à plusieurs jambes, une sorte de divinité indienne à la Vishnou, prouvant soit une balbutiante conscience de son corps, soit une imagination qui esquisse ses premiers pas.

    Même si cette dernière ne prit véritablement toute son amplitude que bien plus tard.

    Enfant, on cherche à faire ce que l’on voit, ce que l’on croit voir. Et donc, naturellement, on adopte une posture réaliste. Nos grâces, nos naïvetés puériles, nous n’en avons pas conscience, ceux qui pensent cela, ce sont les adultes, ça n’a pas de valeur à nos yeux… On veut à toute force reproduire ce que l’on voit, et c’est pour cela que tant d’enfants, débutant leurs dessins, disent dès le premier coup de crayon sur la feuille : « Oh zut ! J’ai raté… ».

    Et puis on grandit. Le monde environnant conspire à vous faire entrer dans ce que l’on appelle d’un terme hypocrite, « la vie active ». Fini les colliers de nouilles, les architectures de gommettes, les têtes à Toto. Il faut passer aux choses « sérieuses ». Pourtant, en marge de ses notes d’étudiant, la main griffonne ce qu’ailleurs on nomme des « dessins de téléphone », ces gribouillis plus ou moins informes que l’on dépose sur un support de fortune.

    En visite chez des amis, auxquels leurs parents, sans grands moyens, avaient attribué une minuscule chambre, on découvre que ces amis n’ont pas arrêté de peindre, de sculpter, de dessiner, creusant les murs de leur galetas pour y loger des niches avec des petits bonshommes, décorant leur porte d’une fresque avec un château de conte de fée, un Neuchwanstein du pauvre avec des frises en coquilles de noix, peignant leurs plinthes de motifs ornementaux géométriques à la Cobra.

    « Pourquoi ai-je arrêté, moi, de mon côté ?», se dit-on alors… Tout le monde fait-il donc ainsi, refoulant ses besoins d’expression, ses désirs de démiurge, à l’âge dit, de manière assez infâme, « de raison » ? On remet la chose en question. Et l’on reprend le fil, et l’on ouvre dès lors résolument la porte des contrées et fantaisies parallèles.

     

    Bruno Montpied, 21 juin 2018.