Los Errantes N°3

Polly Vogel

Jute, laine, différents tissus teints (brou de noix, thé, café, plantes, rouille) rembourrage, colles, pâte à bois, stylos, papier mâché

Crochet, tricot, couture, teintures, recherche des textures en tissus, dessin

Unique

 

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    Description

    Gardiennes d’Ombres : Les Créatures Textiles de Polly Vogel

    Polly Vogel nous plonge dans un univers à la croisée des mythes ancestraux et de l’angoisse contemporaine, où ses créatures textiles, inspirées des momies et des poupées vaudou, incarnent un monde d’humanité oubliée, mais persistante. Chacune de ses figures, faites de tissus récupérés, de filaments effilochés et de matériaux bruts, porte les marques d’une existence tourmentée, à la fois protectrice et menaçante, gardiennes de peurs primordiales.

    Ces sculptures textiles, perforées, recousues, déchirées et bandées se confrontent à la mort, aux réminiscences et aux forces occultes. Elles nous interrogent sur notre propre relation à la souffrance et au souvenir, sur ce que nous choisissons de garder, d’oublier, ou de transformer. Ce travail de l’artiste, d’une brutalité poétique, révèle des êtres suspendus entre le monde des vivants et l’au-delà. Chacun de ses êtres porte aussi sa propre histoire, un récit intime cousu dans les fibres, les cicatrices et les rituels appliqués sur leurs corps.

    Ces créatures en lambeaux représentent des corps qui ont survécu à des épreuves. Elles portent des bandages, des couches de tissu comme des pansements, symbolisant le travail de la mémoire sur le corps, où chaque blessure est recouverte, mais jamais totalement guérie. Elles sont à la fois des créations pour se souvenir et des souvenirs pour oublier, témoignant d’un retour du refoulé, d’une surcharge fragile de la mémoire

    Le choix de Polly Vogel de travailler avec des matériaux pauvres, recyclés, inscrit son œuvre dans une démarche où l’art naît de la matière quotidienne, humble, rejetée. Cette approche renforce l’idée que l’aspiration à l’art est profondément humaine. Ses créations, utilisant des étoffes simples et des techniques manuelles, nous rappellent que la beauté peut surgir des objets les plus ordinaires et qu’elle peut transcender le quotidien.

    Les créations de Polly résistent à la conceptualisation et à la dématérialisation. Elles sont avant tout le fruit d’un travail manuel, où la main transforme la matière, la façonne. Elles sont un éloge de la matière pauvre, récupérée, teintée avec des pigments naturels et de la rouille. Pas besoin d’un concept ou d’une analyse complexe : le contact est direct, viscéral. Ce rapport immédiat, déstabilisant, se passe de l’intermédiaire rassurant de l’intellect. Il nous connecte à un niveau primaire.

    Polly a toujours eu un lien intime avec la nature, elle se souvient d’avoir habillé des cailloux, fabriqué des personnages avec des écorces d’eucalyptus, ou encore dessiné sur la terre fraîche à l’aide de pierres. Grandir à la campagne lui a permis d’expérimenter avec ce qui l’entourait, de donner vie à ses créations. Souvent seule, elle a développé un besoin d’amis imaginaires qui, avec le temps, ont pris forme. Aujourd’hui, ils sont là, bien réels.

    – Vittorio Scussel